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← articles plus anciens 25 mars 2018 brésil : haro sur les évangéliques ! auteure d’un admirable petit volume sur le brésil ( brésil : histoire, société, culture , la découverte), lamia oualalou a consacré des années à enquêter sur l’essor des églises évangéliques dans le géant sud-américain. le résultat est un reportage au long cours publié sous un titre racoleur, jésus t’aime : la déferlante évangélique , qui omet de préciser qu’il s’agit du brésil et non pas de la dimension internationale d’un phénomène qui n’épargne plus la fille aînée de l’eglise catholique. dommage, car il risque de détourner les lecteurs des nombreuses qualités de cet ouvrage qui explore les divers aspects de l’univers évangélique brésilien, y compris les plus inattendus, comme les sex-shops ou la mode féminine. la « théologie de la prospérité » , qui prône l’accomplissement des fidèles sur terre, est abordée tout comme la place ambivalente des femmes dans ces églises chrétiennes. sans oublier le rôle politique joué par de nombreux élus, grâce à la minutieuse accumulation d’une force de frappe médiatique. l’auteure mélange les séquences descriptives, prises sur le vif, où elle fait parler aussi bien des pasteurs que de simples croyants, et le recours à d’abondantes citations d’universitaires ou de chercheurs qui ont trouvé là un terrain fertile d’études. hélas, l’ensemble est presque entièrement à charge, à l’exception d’une demi-douzaine de pages qui condensent les propos du sociologue roberto dutra dans le quotidien espagnol el pais . ce dernier questionnait l’incompréhension de la gauche brésilienne, en dépit de ses multiples alliances opportunistes avec des figures de la mouvance évangélique. lien social et transcendance l’eglise universelle du royaume de dieu, malgré sa puissance entrepreneuriale, ou le pasteur silas malafaia, avec sa verve réactionnaire, ne résument pas et ne représentent pas les 50 millions de croyants éparpillés dans des milliers d’églises, de temples et de dénominations qui poussent comme des champignons. tout comme les cultes amazoniens ou les religions afro-brésiliennes, les évangéliques tissent du lien social dans une société déstructurée. ils comblent aussi un besoin de spiritualité et de transcendance, d’autant plus fort que les privations et les épreuves ne manquent pas dans ce pays où l’on assassine impunément plus de 60 000 personnes par an, la plupart jeunes et noirs. a moins de croire que la religion est l’opium du peuple ou le symptôme d’une névrose, force est de constater que la foi sert de levier et d’ascenseur social aux démunis. les élites qui ont une formation catholique, et a fortiori celles attachées à la laïcité à la française, ont beaucoup de mal à appréhender la religiosité populaire du nouveau monde. a l’instar de l’islam, l’évangélisme n’est pas réductible à ses extrémistes. un protestant a déjà été président du brésil, ernesto geisel (1974-1979), et il n’était pas le plus méchant des généraux-dictateurs. parole d’évangile ! jésus t’aime ! : la déferlante évangélique , de lamia oualalou, cerf, 288 p., 20 euros l’auteure présente son livre, en compagnie d’alain rouquié et d’olivier compagnon, mardi 27 mars à 19h, à la maison de l’amérique latine, à paris, au 217 boulevard saint-germain publié dans actualité , brésil , livres , religion | marqué avec eglise universelle du royaume de dieu , ernesto geisel , évangéliques , lamia oualalou , protestantisme , roberto dutra , silas malafaia | 53 commentaires 12 mars 2018 retour sur l’amérique latine de 1968 à toulouse « no intenso agora », documentaire brésilien de joão moreira salles les rencontres du cinéma latino-américain, cinélatino, qui se tiennent à toulouse du 16 au 25 mars, évoquent l’année 1968 en amérique latine. le cinquantenaire de ce millésime fertile risque d’être trop hexagonal, plombé par les souvenirs attendris ou aigris des anciens « soixante-huitards », alors que 1968 fut une prodigieuse séquence internationale. le brésil et le mexique occupent une place importante dans cette suite d’événements. le documentaire brésilien de joão moreira salles, no intenso agora (« dans l’intense instant », 2017), revient sur cette longue année qui ne s’est jamais terminée, tant ses répliques ont été prolongées ( o ano que não terminou , titre d’un ouvrage de zuenir ventura, 1988, non traduit). tout en utilisant uniquement des images d’archives, le réalisateur adopte un point de vue subjectif, capable de dérouter les spectateurs qui chercheraient un récit historique. la démarche est d’ailleurs largement autobiographique, dans la foulée du chef-d’œuvre de joão moreira salles, santiago (2007), même si l’auteur portait des culottes courtes en mai 68, comme il le rappelle lui-même. lors d’une première projection, au centre georges-pompidou, dans le cadre du festival cinéma du réel, no intenso agora a provoqué une vive controverse. ni l’utilisation du matériel d’autrui ni le subjectivisme assumé du réalisateur n’étaient en phase avec le public. les gardiens du temple documentaire et les nostalgiques du cinéma militant n’étaient pas prêts à entendre la réflexion proposée. les toulousains fêtent les trente ans des rencontres de cinéma, nées de la solidarité avec l’amérique latine. autant dire que la réception du film de joão moreira salles à la cinémathèque de toulouse permettra de mesurer à quel point la fibre cinéphile fait bon ménage avec l’engagement. car la réflexion du réalisateur brésilien ne porte pas uniquement sur les événements, mais avant tout sur les images elles-mêmes, sur ce qu’elles montrent et sur ce qu’elles dissimulent, plus ou moins inconsciemment. c’est une méditation aussi sur les conditions de filmage et sur la perception décalée qui peut en découler. il y a sans doute une vision mélancolique sur les illusions d’une époque exaltante et parfois un regard anachronique sur le passé, confronté aux sensibilités d’aujourd’hui. tout cela est absolument stimulant, à condition d’être réceptif à ce retour sur le passé qui peut se doubler d’un retour sur soi. le point de départ de joão moreira salles ne saurait être plus autobiographique. le spectateur est d’emblée prévenu, à lui de ne pas l’oublier au cours des deux heures de projection. le réalisateur examine consciencieusement les images filmées par sa mère lors d’un voyage de personnalités brésiliennes en chine, en 1967. la révolution culturelle, lancée par mao lors d’un de ses tournants radicaux, déclenchait déjà des passions sanglantes parmi les chinois. or, les images rapportées par la mère de joão les ignorent, passent à côté ou préfèrent retenir des instants de sérénité qui renvoient à la chine millénaire. certains diront que ce n’est pas là à proprement parler 1968. mais à quel moment au juste a commencé cette année sans fin ? avec l’offensive du têt au vietnam ? avec la manifestation internationale contre la guerre, à berlin, au mois de février ? ou encore avec l’exécution sommaire d’ernesto che guevara en octobre 1967 en bolivie ? après tout, son portrait figurait aussi bien à berlin qu’à la sorbonne. si les maoïstes étaient ridicules à nanterre, ils se montreront meurtriers à ayacucho (pérou), berceau de la guérilla du sentier lumineux. l’interrogation sur la fascination de la chine dans no intenso agora ne saurait donc être réduite à la démarche autocentrée, même si celle-ci est avérée. santiago était une manière de s’approprier la figure paternelle, tandis que no intenso agora revient pudiquement sur une mère qui a choisi de se donner la mort. tout comme michel recanati, le protagoniste de mourir à trente ans (romain goupil, 1982), qualifié par le réalisateur brésilien de meilleur film sur la génération de mai 68. joão moreira salles étend son regard à la france, au brésil et à la tchécoslovaquie. le printemps de prague, écrasé par les chars des « pays frères », a écorné l’image de fidel castro, qui a justifié l’injustifiable. cette attitude a douché les espoirs placés sur cuba comme l’incarnation d’une troisième